Le sens, nouveau gloubi-boulga du management ?

« Donner du sens ». A ses mêmes mots, dirigeants et salariés donnent paradoxalement des significations très différentes. Pour les uns, il s’agit simplement de mieux expliquer une stratégie ou une décision. Pour les autres, il s’agirait de chercher une utilité et de servir des valeurs qui sont étrangères à la quête de profit. Au mieux, l’une des visions devrait s’ajouter à l’autre. Au pire, les deux visions seraient incompatibles. Est-il si difficile, voire impossible de donner du sens au business ?

La psychologie du travail décline le mot « sens » en de multiples termes. Le premier de ces termes est le sentiment d’utilité, c’est-à-dire le sentiment de répondre au besoin de quelqu’un d’autre que soi. Or, qu’est-ce donc qu’un « bon business » ? C’est d’abord une entreprise qui apporte une réponse satisfaisante à un besoin clairement identifié. Sans besoin, sans utilité sociale, pas de création de valeur.

Un autre terme est le sentiment de fierté. La quête de sens passe par une certaine forme de réussite. Or, la réussite est acquise lorsqu’on répond mieux que personne au besoin clairement identifié. Autrement dit lorsque l’entreprise formule et applique minutieusement une proposition de valeur unique. Tenir une telle proposition est l’essence même de la stratégie.

Les dirigeants n’ont donc pas tort d’insister sur la communication de la stratégie. Il est vrai que le partage de sens commence par un discours précis sur le besoin auquel l’entreprise répond, et sur la cohérence des ingrédients réunis pour répondre mieux que personne : les avantages concurrentiels recherchés, la structure de coût, le modèle de revenus…

Le partage du sens se poursuit avec la définition des rôles, ou plutôt avec la formulation d’une mission pour chacun : « voici en quoi votre fonction, en quoi vous-même allez contribuer à faire émerger quelque chose d’unique ». Point n’est besoin d’être un haut potentiel pour contribuer. Ainsi, le personnel en charge du nettoyage des avions est un acteur majeur de la réussite des compagnies aériennes low cost : leur modèle économique repose sur une rotation rapide des appareils, et l’efficacité du nettoyage est un facteur critique de rapidité.

Dans une large mesure, au sein des entreprises, ce sont donc les mêmes bonnes décisions qui génèrent des profits et du sens.

David Mahé et Olivier Tirmarche