Comment accompagner sans se laisser déborder lors d’un projet de transformation ?

Comment accompagner sans se faire déborder ?

Lorsqu’un projet de transformation est initié au sein d’une entreprise, les managers, les équipes RH et les élu·es jouent tous un rôle clé dans le déploiement de la démarche : chacun à son niveau porte la transformation.

Leurs missions sont multiples : ils doivent accompagner les salarié·es, tout en faisant face à des réactions émotionnelles fortes, les leurs comme celles des collaborateur·trices. Il est par ailleurs à noter qu’à certains moments, les émotions des collaborateur·trices sont dirigées contre eux, non pas en tant que personnes, mais en tant que représentants ou relais d’une Direction dont les décisions sont remises en question voire rejetées.

Les managers doivent également assurer la continuité d’activité malgré le flou organisationnel et la démobilisation qu’un projet de transformation engendre classiquement. Surtout dans la période où peu d’informations circulent, du fait des restrictions réglementaires imposées par les négociations.

Enfin, ils doivent assurer un rôle de détection et d’orientation des collaborateurs en difficulté, tout en étant souvent eux-mêmes impactés émotionnellement et psychologiquement par le plan de transformation. Soit parce qu’ils sont dans l’incertitude de leur avenir, soit au contraire parce qu’ils ont appris que cet avenir, pour eux, ne se situait pas dans leur entreprise.

Tout au long de la démarche, que ce soit lors de l’annonce, lors des négociations, au moment des premiers départs ou dans la mise en œuvre de la nouvelle organisation,

il est fréquent que les porteurs de projets se sentent, ponctuellement ou sur du plus long terme, débordés par la charge mentale qu’impliquent leurs responsabilités multiples. Ils se doivent alors de prendre soin d’eux s’ils souhaitent pouvoir bien accompagner leurs équipes.

Sandrine Carbonnier, psychologue et consultante Stimulus, partage 5 conseils et bonnes pratiques pour réussir à porter la transformation sans se faire déborder.

Conseil #1 - S’entourer d’expert·es tout au long de la démarche

Pour bien jouer leur rôle en contexte de transformation, ceux qui la portent doivent tout d’abord comprendre les impacts psychologiques et émotionnels d’un tel projet. Ils doivent développer des clés de compréhension et avoir une bonne connaissance des leviers à utiliser au quotidien.

Cela passe par l’animation de sensibilisations portées par des experts de la transformation. On y partage ses questions et ses inquiétudes, ses idées et ses bonnes pratiques aussi. Des questions telles que « Comment rassurer un collaborateur inquiet ? », « Comment faire face à un collaborateur mutique, agressif ou qui craque ? », « Comment continuer à maintenir de la motivation et de la cohésion dans l’équipe ? » y sont abordées.

C’est l’occasion également de leur rappeler leur rôle et la manière dont ils peuvent prendre soin d’eux pour être en mesure de bien prendre soin des autres. Les experts sont là pour partager des concepts, des outils, des méthodes, mais aussi des indicateurs, qui servent de points de vigilance pour soi comme pour son équipe. Le but est de pouvoir identifier rapidement les personnes qui ne vont pas bien et de savoir ainsi à quel moment intervenir, pour les accueillir et / ou les orienter.

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Conseil #2 - Ne jamais rester seul·e et s’appuyer sur son réseau interne

En contexte de transformation, il est essentiel de s’appuyer sur son entourage professionnel : ses pairs, ses propres managers, d’autres compétences internes.

Les équipes RH, les managers et les élus ne doivent pas rester seuls face à une situation délicate, il est important qu’ils sollicitent un appui dès qu’ils ressentent de l’inconfort dans leur posture, ou bien dans les choix à opérer pour la traiter. Cet inconfort, souvent passé sous silence, peut être lié à une difficulté à prendre suffisamment de recul pour réfléchir aux décisions à prendre. Elle peut être dûe également à une situation complexe, ou qui interpelle émotionnellement celui ou celle qui doit la résoudre.

Pour cela, des temps de co-développement peuvent être mis en place. Organisés à un rythme régulier, ils permettent d’échanger entre pairs sur les situations auxquelles ils sont confrontés, dans un cadre protecteur car confidentiel, et de construire ensemble des modalités de résolution nourries par leurs pratiques.

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Conseil #3 - Ne pas oublier que vous êtes un·e salarié·e comme les autres

Les porteurs de projets, comme leur nom l’indique, sont désignés, identifiés et positionnés dans un rôle d’accompagnement de la transformation et des collectifs dans ce contexte. Ce rôle véhicule un certain nombre d’attentes en termes de posture, que beaucoup d’entre eux traduisent souvent comme des interdictions : ne pas se laisser déborder par ses émotions, ne pas le montrer si tant est que ce soit le cas, ne pas même s’attarder sur ce que l’on peut ressentir sous peine de ne plus être capable de remplir sa mission…

Si ces injonctions peuvent jouer un rôle protecteur sur du court terme, elles ne peuvent tenir dans la durée, sauf à nourrir un risque pour l’équilibre psychique de la personne, surtout si celle-ci ne livre jamais rien de ces tensions internes.

Les porteurs de projets sont donc nécessairement eux-mêmes impactés, psychologiquement et émotionnellement, au même titre que tout autre salarié. Il est donc important qu’ils s’autorisent à solliciter les dispositifs de soutien mis en place : médecin du travail, psychologue du travail, ligne d’écoute…

Lorsque les freins à utiliser les mêmes dispositifs que leurs collaborateurs sont trop nombreux, des espaces dédiés peuvent être pensés : ligne d’écoute dédiée à ce public et à ses problématiques spécifiques, groupes d’échanges thématiques, accompagnements individualisés.

Conseil #4 - Communiquer

L’objectif principal et commun à tous les porteurs du projet est la préservation de la santé psychologique des collaborateurs, ceux qui partent comme ceux qui restent. Parmi les différents facteurs de stress liés à la transformation, l’incertitude en est un majeur, qui draine de nombreuses réactions : incapacité à se projeter, peur de ne pas rebondir, tensions nourries par les suspicions et les rumeurs…

La communication, élément clé du bien-être d’une entreprise en phase stable, l’est plus encore en contexte instable : elle rationalise les peurs, donne de la visibilité (même à court terme), donne parfois du sens et de la légitimité aux choix opérés, offrant ainsi des repères et des réponses qui rassurent et apaisent les émotions et les tensions.

Elle doit pour cela passer par une mutualisation de l’information pour garantir un bon alignement des messages, et par la structuration d’un plan de communication ajusté tant sur les contenus que sur le rythme (ni trop, ni trop peu sur les deux plans).

Elle doit également être partagée avec les collaborateurs : dire ce que l’on sait, ce que l’on ne sait pas et accueillir le ressenti et les questionnements des équipes.

Conseil #5 – Anticiper les étapes-clés

Plus on visualise le processus de transformation dans sa globalité, en intégrant les étapes-clés et les réactions probables qui peuvent y être associées (grâce à l’éclairage des experts cf conseil#1), mieux on s’y prépare et plus on parvient à garder de la hauteur de situation.

Il s’agit pour les porteurs de projets d’évoquer ensemble les temps forts de la transformation pour nommer leurs projections (craintes, attentes, besoins) et identifier les actions préventives et curatives qui pourront limiter les impacts anticipés.

Bien évidemment, il convient de rester mesuré pour ne pas sur-anticiper et nourrir ainsi des angoisses qui n’auraient pas lieu d’être, et d’alimenter les réflexions avec les informations actualisées.

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L’objectif est ici de permettre aux porteurs de projet de prendre le recul suffisant pour agir in situ de façon plus stratégique et moins émotionnelle.