L’implication des managers de proximité dans la mise en œuvre du changement

Le changement est une réalité permanente pour les entreprises qui souhaitent développer leur agilité afin de répondre aux exigences croissantes des marchés. Les chercheurs en sciences humaines s’intéressent au rôle pivot des managers de proximité dans la réussite des projets de changements, tant sur le plan opérationnel qu’humain.

 

La réussite de tous les changements (évolution de l’organisation ou des méthodes de travail, des outils, des compétences requises, etc.) se joue au niveau opérationnel. Elle implique donc la capacité des managers de proximité à contrôler et faciliter le déploiement des projets tout en maintenant l’activité et la motivation des équipes.

A l’interface entre les salariés et la direction représentée par les cadres de plus haut niveau, les managers ont des pratiques très différentes vis-à-vis des projets de changement. Certains sont activement engagés alors que d’autres sont moins investis, voire critiques. Les uns appliquent les prescriptions de la hiérarchie qu’ils jugent légitime alors que d’autres cherchent à négocier les termes du projet initialement décidé (planning, ressources, indicateurs, responsabilités, etc.). Il apparait que le comportement, pro-actif ou non, et l’attitude, engagée ou non, d’un manager seront le résultat de sa perception de son rôle et des enjeux du projet de changement.

Une affaire de perception

Les managers vont se positionner par rapports aux projets de changement selon l’analyse qu’ils en font. L’équipe de David Autissier, directeur de la Chaire ESSEC du Changement et de la Chaire ESSEC Innovation Managériale et Excellence Opérationnelle, a mis en évidence quatre processus qui permettent aux managers de proximité de se construire une représentation du projet :

  • le processus de référencement : c’est le fait de se représenter le projet en lui-même, ses objectifs, son planning et son périmètre. Les managers évaluent à la fois la faisabilité et la légitimité du changement ;
  • le processus de positionnement : c’est le fait de se représenter les attentes des autres acteurs du projet. Les managers considèrent les attentes explicites et implicites de la direction mais aussi des salariés et des équipes cibles ;
  • le processus de contribution : c’est le fait de se représenter les efforts à fournir pour la mise en place du projet. Les managers se posent la question du « comment » (organiser le travail de l’équipe, mobiliser les ressources, etc.) et des marges de manœuvre dont ils disposent au cours du projet ;
  • le processus de projection : c’est le fait de se représenter les gains potentiels du projet, en regard des efforts nécessaires à sa mise en place. La question de la reconnaissance est en effet centrale lorsque l’on demande aux équipes de s’investir en plus de l’activité quotidienne.

Un accompagnement subtil

Les processus décrit par Autissier et son équipe ne s’excluent pas les uns des autres. Les managers y seront plus ou moins sensibles selon leur perception et le positionnement pour lequel ils auront opté, mais aussi selon la phase du projet concernée (sensibilisation, opérationnalisation, stabilisation).

Il semble que la hiérarchie peut intervenir dans le déroulement de ce processus afin de renforcer les managers ayant une attitude constructive et productive et de ne pas nourrir les résistances de ceux qui en ont. Par exemple, on veillera à clarifier les attentes de la direction et le planning vis-à-vis des managers inquiets, à ne pas insister sur la légitimité du projet avec les plus réfractaires, ou encore à détailler la balance « contribution/rétribution » auprès des sceptiques. L’équipe d’Autissier recommande d’accompagner les managers dans la construction de leur représentation dans l’ordre naturel des phases du projet, tout en reconnaissant que « les trajectoires pour impliquer les [managers de proximité] non-productifs sont plus fluctuantes ».

En conclusion

Progressivement, les managers de proximité interprètent les données fournies par l’organisation sur le changement (communication générale, réunion de préparation, emails, échanges entre pairs, etc.). Il y a donc une interaction permanente entre l’organisation et le processus psychologique par lequel les managers analysent et s’approprient les projets de changement, mais aussi entre les managers et les équipes à embarquer. Chaque acteur influence les autres tout au long du projet.

Aujourd’hui, les entreprises recherchent des « leaders du changement », en capacité d’y trouver du sens et de faire partager cette vision au plus grand nombre, pour la réussite opérationnelle des projets et la protection des ressources humaines dans ces périodes potentiellement déstabilisantes.

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Références
Autissier, D. & Vandangeon Derumez, I. (2007). Les managers de première ligne et le changement. Revue française de gestion, 174,(5), 115-130.
Bellini, S. (2005). Éviter le marteau, glisser sur l’enclume. Comment les managers de proximité ajustent leurs rôles face aux contraintes de l’organisation. Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, numéro 65,(1), 13-25.
Oiry, E. & Vignal, J. (2016). Peut-on manager un changement tout en le subissant ? Le cas des managers de proximité. Question(s) de management, 13,(2), 61-72.

 

Par Emma Pitzalis, Consultante

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