Comment construire une politique de santé mentale au travail à l’international ?

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La pandémie de Covid survenue dans nos vies en mars 2020 a mis en exergue l’importance pour les entreprises de se préoccuper de la santé mentale de leurs salariés. Mais aussi le fait qu’au-delà d’une implémentation locale, la cohérence d’une stratégie multinationale est indispensable.

Découvrez dans cette interview les facteurs clés de succès d’un programme international de bien-être psychologique et les dispositifs qui s'offrent à vous pour prendre soin de vos équipes, où qu’elles soient dans le monde.

Interview de Ketut DAVID-LIEGE, Directrice des Projets Clients, par Marta TERRAGNOLI, Responsable des comptes internationaux.

[Marta TERRAGNOLI] Aujourd'hui, nous lisons sans cesse que la santé mentale est devenue une priorité pour les entreprises. En tant que Directrice des projets clients, remarquez-vous des tendances dans la manière dont les entreprises décident de prendre en considération le bien-être au travail ?

[Ketut DAVID-LIEGE] Aujourd'hui plus que jamais, le bien-être émotionnel des salariés est devenu une question clé pour toute entreprise. Ce n’est pas un sujet nouveau, la pandémie de Covid et son impact négatif sur la santé mentale ont engendré une prise de conscience renforcée de la part des entreprises. Soudain, l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée est devenu une problématique abordée comme jamais auparavant ; les managers ont dû jouer un rôle crucial pour garantir la santé et la sécurité de leurs équipes, tant sur le lieu de travail qu'à distance.

Cette nouvelle prise de conscience crée une opportunité sans précédent d'intégrer la santé psychologique comme un pilier de la stratégie de l’entreprise, au niveau local, mais aussi au niveau international. Nous voyons alors des responsables RH profiter de cette nouvelle tendance pour promouvoir des politiques globales de santé mentale par des biais qu’ils n’auraient pensé utiliser auparavant.

Je pense par exemple à l'un de nos clients du secteur du luxe, qui a décidé de consacrer sa réunion annuelle pour les Senior Managers au bien-être au travail et en a profité pour lancer un programme de formation pour l’ensemble des managers de la zone EMEA (Europe Middle East & Africa).

[MT] Donc cela signifie que de plus en plus d’entreprises et d’organisations multinationales décident de construire des projets de santé mentale à l'échelle internationale ?

[KDL] La pandémie de Covid a eu la particularité d’avoir un impact dans le monde entier au même moment et à grande échelle. Managers comme employés se sont retrouvés confrontés aux mêmes défis, quel que soit l'endroit où ils se trouvaient, et ont partagé les mêmes difficultés. Des équipes du monde entier ont uni leurs forces et appris à travailler ensemble pour trouver des solutions communes. C'est pourquoi il semble aujourd'hui plus cohérent pour les entreprises multinationales d'aborder leurs différents enjeux au niveau international.

Pour vous donner un exemple, l'un de nos clients du secteur bancaire a rencontré des difficultés pour promouvoir l'utilisation de son programme d'assistance aux employés dans les quelques pays où il était activé. Ils ont réalisé que pour changer radicalement la perception de ce service, ils devaient en faire une priorité et le mettre en place dans tous les pays où ils sont présents. C'est ainsi qu'ils ont choisi de mettre en œuvre le service au niveau mondial.

[MT] Quand on parle de stratégies de bien-être au travail, on peut penser aux programmes de formation comme aux programmes d'assistance aux employés. Quels types d’actions peuvent être mises en place au sein de programmes globaux de soutien émotionnel au travail ?

[KDL]

Un programme global a pour ambition de soutenir les entreprises par une approche holistique allant du conseil organisationnel au soutien des individus, en passant par les domaines de la prévention et de la sensibilisation.

Une première dimension consiste à améliorer les conditions de travail au niveau de l'organisation. Nous encourageons les entreprises à prendre le temps de considérer l'impact des conditions de travail sur la santé mentale des salariés. Une évaluation approfondie des risques psychosociaux dans l'entreprise permettra d'établir des plans d'action pour prévenir ou réduire les risques et améliorer le bien-être au travail.

Par exemple, nous allons accompagner un groupe dans un processus de fusion qui aura un impact sur 4 000 employés répartis dans 4 pays. Nous évaluerons d'abord les niveaux de risque via des études quantitatives et qualitatives. Cela permettra, grâce à une approche scientifique solide, d'identifier les principaux risques et de proposer des recommandations. La réalisation de cette enquête mondiale permettra de garantir que les politiques et l'organisation tiennent compte à la fois de la stratégie mondiale et des spécificités locales.

[MT] En dehors des analyses organisationnelles et des études d'évaluation, quels sont les dispositifs de soutien que l’on peut mettre en place dans les entreprises ?

[KDL] Nous entrons ici dans le deuxième niveau de prévention : la formation. Et plus particulièrement le développement des soft skills, ces compétences relationnelles et émotionnelles, tant au niveau managérial qu’individuel. Une culture managériale saine, une organisation efficace et des relations solides entre les salariés doivent être valorisées et encouragées. Nous recommandons également le développement de compétences individuelles. En remettant en question les perceptions et les facteurs de stress, les salariés peuvent améliorer leur capacité à faire face à la pression et à détecter les symptômes causés par le stress à un stade précoce.

Aujourd'hui, les entreprises connaissent souvent des changements et des transformations à l'échelle mondiale.

Par exemple, nous travaillons avec une entreprise industrielle qui est confrontée à un changement majeur dans l'utilisation des outils numériques, changement qui affectera l’ensemble de ses opérations dans le monde entier. Ses dirigeants ont décidé, à titre préventif, d'activer un vaste programme de formation dans 11 pays pour préparer les 300 managers non seulement à être prêts pour la transformation au niveau opérationnel, mais aussi à être prêts à maîtriser les outils nécessaires pour identifier et limiter le stress éventuel de tous les employés.

Cela dit, les programmes de soutien se fondent également sur une obligation de prendre soin de la santé des salariés. Il s'agit ici du troisième niveau de prévention. De nombreuses études ont montré que les entreprises qui prennent en compte les problématiques rencontrées par leurs salariés au quotidien vont, à terme, améliorer sensiblement leur niveau de bien-être. C'est le cas des programmes d'assistance aux employés, mais aussi des interventions ciblées à la suite d’événements critiques et ayant un impact émotionnel sur les salariés.

[MT] Sur la base de votre expérience, quels sont, selon vous, les facteurs clés de succès pour les entreprises qui mettent en œuvre un programme de bien-être global ?

[KDL] Tout d'abord,

pour être efficace, un programme complet doit couvrir les 3 dimensions suivantes :  des actions au niveau organisationnel, le développement des compétences des salariés et des programmes de soutien et d'accompagnement individuel.

Prenons l’exemple d'une grande entreprise du secteur de l'énergie, où les employés sont confrontés à des risques physiques réels sur le lieu de travail, et pour laquelle nous avons mis en œuvre un programme dans 36 pays : tout d’abord, nous avons identifié le besoin d'un soutien psychologique en cas d'incident critique, nous les avons donc soutenus dans la création d’un rôle interne de Référent des Premiers Secours Psychologiques au sein de leurs équipes, incluant une large sensibilisation de tous les employés à travers un programme de formation et l'identification de volontaires. Puis, par la suite, nous avons mis en place plusieurs formations pour ces référents. Les compétences de ces référents permettent d'apporter un premier soutien aux personnes concernées lors d’une situation de crise, avant que nos équipes professionnelles n'interviennent, si besoin. Nous avons, enfin, déployé un programme de soutien aux employés.

 

Un autre facteur de succès clé est d’avoir une cohérence au niveau mondial des initiatives en matière de bien-être et de santé mentale.

Une stratégie mondiale permet un alignement des politiques du groupe. Une politique d'entreprise parfaitement alignée dans tous les pays augmentera l'influence de l'entreprise et favorisera un sentiment d'appartenance chez les employés. Cependant, il est crucial que le programme, tout en représentant la stratégie de l'entreprise au niveau mondial, soit également adapté aux besoins spécifiques de l'entreprise et de ses employés au niveau local.

Lorsqu'on nous demande s'il est plus judicieux de mettre en œuvre une politique descendante ou ascendante, je réponds : entre une entreprise qui s'appuie sur une stratégie pilotée par le siège et standardisée dans tous les pays, et une autre qui s'inspire d'initiatives locales, notre conseil est de préférer ce que nous appelons une approche "glocale", avec une inspiration globale, et une mise en œuvre et une adaptation locale.

[MT] Quel conseil donneriez-vous à un responsable RH souhaitant promouvoir le bien-être au travail et prendre soin de ses salariés ?

[KDL]

Mon conseil est le suivant : OSEZ !

  • Les employés ont besoin de soutien !

Notre monde est plein d'incertitudes et caractérisé par des conflits, une crise environnementale, l'inflation, une violence quotidienne endémique...

  • Prenez soin de vos managers !

La pression sur les managers est élevée. Nous recevons de nombreuses demandes de services de la part d'entreprises pour les soutenir. Ils seront en fait les principaux ambassadeurs du bien-être dans votre entreprise.

  • Vous êtes responsable des ressources humaines dans un pays donné ? N'attendez pas les directives globales !

Nous recevons chaque jour des appels d'équipes RH internationales qui souhaitent adopter les mêmes politiques locales que celles dont elles se sont inspirées.

Soyez celles et ceux qui entameront le changement dans votre entreprise !

  • Êtes-vous un responsable RH international ? Soyez ambitieux !

La meilleure façon de promouvoir une politique de bien-être cohérente est de l'inclure dans une stratégie globale et d'impliquer toutes les équipes locales dans le processus... en tenant compte des différentes spécificités locales et les besoins.

[MT] Une dernière phrase pour conclure ?

[KDL]

Pensez global, agissez local !

Marta Terragnoli

Marta TERRAGNOLI

Responsable des comptes internationaux

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Ketut DAVID-LIEGE

Directrice des Projets Clients

Forts de notre ADN européen, de nos 35 ans d’expérience et de notre approche scientifique, nous accordons une grande place à la complémentarité entre l’approche collective des organisations et l’accompagnement individuel des employés. Cette démarche nous permet d’être le partenaire privilégié des DRH des multinationales pour leurs projets globaux de santé mentale.

Dans le monde entier, nous sélectionnons des partenaires formés à notre approche. Nous avons tissé un réseau solide qui compte 53 partenaires couvrant plus de 120 pays, nous permettant ainsi de déployer des projets d’envergure à l’échelle mondiale.

Une offre pensée en Europe, conçue pour le monde et délivrée localement.