Hyper-croissance en entreprise : pistes d’actions

Hypercroissance

L’hyper-croissance peut être définie comme un contexte où certains paramètres économiques évoluent très rapidement, par exemple une augmentation annuelle très importante du chiffre d’affaires (à deux, voire à trois chiffres).

Mais cela ne constitue un enjeu pour la santé psychologique au travail que si cela a des incidences majeures sur l'organisation et les conditions de travail : augmentation de la charge de travail pour délivrer, nécessité de recruter à la vitesse de la croissance du chiffre d’affaires, nécessité de structurer très rapidement des processus pour "passer à l'échelle", etc.

En contexte d’hyper-croissance, l'organisation se met alors à « courir derrière le marché », essayant de s'adapter à l'explosion des demandes, des nouvelles exigences, des nouveaux clients, etc. Le bien-être et la motivation des collaborateurs peuvent alors être mis à rude épreuve.

Adrien Fender, manager senior, et Michael Said, manager Stimulus, vous proposent des pistes d'actions pour concilier croissance et épanouissement professionnel et ainsi garantir le succès durable de votre entreprise dans cette période exigeante.

1. Agir sur la charge de travail

• Quitte à renoncer à tout faire, autant maîtriser ce à quoi on renonce, plutôt que de le subir

Déterminer très vite ce qui ne pourra être fait, ou devra être fait moins bien, ou fait plus tard. Puis, en regard, identifier les risques de ne pas faire. Cela permet de prioriser ce à quoi l’on renonce tout en pilotant les conséquences possibles de ces renoncements. Les « risques de ne pas faire » sont alors gérés comme n’importe quel autre risque de l’entreprise.

Cela permet d'éviter l'alternative très fréquente en contexte d’hyper-croissance : ne pas faire les choses parce que l'on a oublié de les faire, parce qu'un collaborateur est en arrêt, parce que l'on a produit un travail de mauvaise qualité du fait de la pression, etc. Décider de ce qui ne sera pas fait (et en piloter les risques) évite donc de subir ce qui ne sera pas fait (et ne rien piloter du tout).

• Mobiliser des acteurs dédiés, dont l'unique rôle est de proposer et mettre en œuvre la transformation visant à absorber l'hyper-croissance sans mettre en risque les équipes.

Ces acteurs doivent être dédiés à cela. Cela permet aux autres collaborateurs de se focaliser sur leurs missions. La mise en place des changements doit idéalement se faire par palier, pour laisser à l’organisation la possibilité de les digérer.

• Organiser le travail pour favoriser la focalisation

Le contexte d’hyper-croissance pouvant pousser les personnes à se défocaliser, voire s’éparpiller, une organisation du travail qui permet à chacun de se focaliser sur un minimum de missions, et d’y être pleinement investis peut les protéger des risques associés à l’éparpillement : fatigue, sensation de pas accomplir des choses, perte de repères, etc.

groupe organisation

2. Soigner le recrutement, l’intégration, la formation

Une des plus grandes difficultés vécues par les organisations en hyper-croissance est la désynchronisation entre leurs besoins de recrutement (induits par la croissance de la demande, des enjeux, etc.) d’une part, et leur capacité à recruter et à intégrer d’autre part.

Face à un besoin urgent de recrutement, on peut être tenté, pressé par le temps, d’être moins regardant sur les profils, de précipiter l’intégration pour rendre les personnes opérationnelles le plus vite possible. De plus, ces missions (recrutement, intégration, montée en compétences, etc.) mobilisent parfois un nombre limité de personnes (équipes RH, managers).

C’est justement parce que tout va nous pousser à précipiter les choses, avec des risques de mauvaise intégration, d’échecs de recrutement, etc. qu’il est important de « ralentir » pour maintenir un rythme de recrutement et d’intégration serein.

Pourtant les enjeux de recrutement massif et rapide demeurent. Alors comment résoudre cette équation apparemment impossible ?

• Être rapide et efficace sur le processus, mais prudent sur les prises de décision

Si vous avez une organisation trop petite pour construire et animer les processus de recrutement (sourcing, administratif, etc.), alors un recours à des experts externes peut être utile, voire un recours à un expert qui structure les processus pour vous puis vous laisse la main. En revanche, il s’agira de rester exigeant sur les critères de validation des différentes étapes de recrutement, sur les acteurs clés à mobiliser pour les entretiens, quitte à être créatif (prévoir des entretiens flash, des entretiens collectifs avec plusieurs candidats, etc.). La même exigence de qualité est nécessaire pour les étapes et les critères de validation des périodes d’essai et le parcours d’intégration. Notamment, il est important de mettre en place, pendant la période d’essai, des occasions opérationnelles pour tester les différents critères de validation de période d’essai. Le risque a contrario est, dans la précipitation, de perdre des collaborateurs récemment intégrés, soit parce que cela ne fonctionne pas, soit parce qu’ils ne trouvent pas leur compte, etc. Il faut alors tout recommencer.

• Une intégration soignée, patiente et bienveillante

La tentation est grande, une fois la personne recrutée, de la « jeter » dans l’opérationnel. Parce qu’on a grandement besoin d’elle, et parce qu’on se dit que c’est la meilleure façon d’apprendre. Mais une organisation en hyper-croissance est parfois une organisation difficile à appréhender, dont les processus changent, et où certains collaborateurs déjà présents peuvent être eux-mêmes en partie perdus. Un processus d’intégration doit donc être maintenu impérativement, en parallèle de l’implication opérationnelle. Il est important de soigner la transmission des compétences techniques (pour éviter le stress d’avoir à tout apprendre « sur le tas ») bien sûr mais d’autres composantes sont aussi essentielles en contexte d’hyper-croissance : bien maîtriser le réseau des acteurs clés (via des entretiens de connaissance, etc.), bien comprendre les valeurs, les exigences de l’organisation, mais aussi par différence ce qu’elle tolère.

Ce sont des composantes du parcours d’intégration au moins aussi importantes que les aspects techniques ou de procédure. Enfin, une bonne intégration en contexte d’hyper-croissance doit s’accompagner de points réguliers (même courts, parfois 5-10 minutes suffisent) pour interroger la charge de travail, les difficultés, l’appétence, les doutes du collaborateur. Car l’état d’esprit du collaborateur peut évoluer très vite, la lune de miel disparaître rapidement.

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3. Préparer le terrain psychologique

Une organisation en hyper-croissance est une organisation qui va être en permanence confrontée à des problèmes nouveaux, va devoir changer rapidement son mode de fonctionnement pour passer à l’échelle, et souvent va être confrontée à une charge de travail élevée, parfois difficile à anticiper. Cela peut induire des difficultés, des tensions. L’enthousiasme aidant, on peut s’interdire d’alerter en cas de difficultés, qui ne manqueront d’apparaître. Une personne avertie en valant deux, il est donc très utile de préparer les équipes à cela. En particulier, au moment de l’intégration mais plus généralement auprès de tous les collaborateurs, il est nécessaire de :

  • Prévenir que le contexte peut amener à des tensions individuelles ou collectives, et qu’il est nécessaire d’alerter (son manager, etc.) en cas de difficulté
  • De mettre en place les dispositifs permettant aux collaborateurs d’alerter sans culpabiliser (points managériaux fréquents, autres dispositifs d’écoute, individuels ou collectifs
  • Prévenir qu’en fonction des contextes des situations, et en particulier en situation d’urgence, le niveau d’autonomie donné aux personnes peut évoluer temporairement. Notamment prévenir que dans certaines circonstances, si le manager est plus « contrôlant » ou plus « guidant », plus « à l’écoute » avec moi, cela n’est pas lié à moi mais au contexte d’urgence temporaire ou parce que le contexte l’invite à être soucieux de ma bien-être et de mes conditions de travail
  • Mettre en place tous les dispositifs pertinents de résolution de problème pour générer de la solidarité autour d’enjeux opérationnels (petits déjeuners « Co-Dev », « Tips », « appel à un ami », etc.). Ces dispositifs doivent idéalement être interstitiels (courts mais fréquents) pour s’intégrer de manière fluide dans les contraintes opérationnelles
échanges sur l'autonomie

4. Retenir ceux qui sont là

En contexte d’hyper-croissance, la reconnaissance et la sollicitude vis-à-vis des collaborateurs doit être au cœur de la politique RH et managériale.

Cela passe notamment par :

  • Des prises de pouls régulières sur leur état d’esprit, leur niveau de charge, leur capacité à se développer
  • Des formations régulières (comme pour les nouveaux arrivants) pour les mettre à jour, reconnaître leur nécessité de progresser
  • Des Retours d’Expérience pour se nourrir d’eux et voir comment leur expérience individuelle peut profiter au collectif
  • Une reconnaissance des efforts régulière. Notamment, puisqu’il va être demandé beaucoup aux équipes, la possibilité de reconnaître les efforts soit en « argent » soit en « temps » (au choix du collaborateur) peut grandement motiver les équipes

Une communication régulière auprès des collaborateurs sur les changements présents et à venir peut aussi aider chacun et chacune à s’orienter et anticiper ce qui peut l’être.

Former, ou a minima sensibiliser l’ensemble des collaborateurs aux effets du contexte d’hyper-croissance sur leur quotidien, et leur donner des outils pour les aider à gérer un contexte de changement permanent, à évaluer et négocier sur leur charge de travail, à réduire leur degré d’incertitude, etc. peut protéger les individus et solidifier les équipes.

Enfin, dans ce contexte où tout sera urgent et tout bougera, une très grande exigence et une très grande exemplarité sur les pratiques de déconnexion est vitale. Car ce sera une condition nécessaire pour permettre à chacun de se ressourcer.