Comment aider un proche qui exprime des difficultés psychologiques ?

soutenir un proche

Lorsqu’un ami, un collègue ou un membre de sa famille exprime les difficultés psychologiques qu’il rencontre, il n’est pas toujours évident de savoir comment réagir. Cette situation implique, plus ou moins consciemment, d’être placé dans un rôle d’aidant vis-à-vis de cette personne.

Difficultés au travail, conflit avec des collègues ou un ami, épuisement, rupture amoureuse, deuil, anxiété, dépression… D’un léger sentiment de gêne à une véritable détresse émotionnelle exprimée, ces situations génèrent à leur tour des émotions et des réactions variées dans l’entourage. Elles activent des représentations, ne laissent pas indifférent et ce d’autant plus que la relation avec la personne aidée est proche et significative.

Alors, les mouvements émotionnels et les réactions qui en découlent ne sont pas étrangers à notre propre histoire, à nos expériences antérieures ou notre rapport à la problématique évoquée (aussi appelé "contre-attitude" en psychologie, de quoi briller en dîners mondains !).

Nous voilà parfois attristés, révoltés, préoccupés, ou encore dans l’incompréhension, désabusés… Ces affects s’accompagnent de comportements plus ou moins volontaires et conscients avec une question en filigrane : de la prévenance à l’abnégation, de l’écoute active aux conseils hâtifs, il n’y a qu’un pas… Dans ces conditions, quelle posture adopter en vue de prodiguer du soutien ?

S’il parait utopique de dresser une liste exhaustive de conduites qui conviendraient en toute situation, nous tentons ici d’en esquisser les contours et vous proposons quelques pistes de réflexion.

Face aux difficultés psychologiques de l'autre, l'importance de l'écoute

Bien souvent, ce dont une personne en difficulté a besoin, plus que de conseils ou de solutions "prêt-à-porter", c’est d’être écoutée et entendue dans ce qu’elle traverse. Dans son acception commune, l’écoute consiste à porter son attention volontairement sur ce qu’une personne dit dans l’objectif de l’entendre et la comprendre. Cela peut sembler si évident que l’on en oublie qu’elle requiert tout de même certains prérequis, et pourrait même nécessiter de l’exercice.

Elle consiste en une écoute simple, sans chercher à changer l’autre ou la situation (par exemple, ne pas chercher systématiquement une issue positive, laisser pleurer) ni à interpréter.

À ce titre, elle implique donc de laisser l’autre parler et s’exprimer librement. Il s’agit de laisser l’espace et de créer les conditions lui permettant d’exprimer ses pensées, ses émotions, ses difficultés psychologiques afin de les accueillir. De surcroît, cette posture d’écoute implique de se décentrer temporairement de ses préoccupations/problématiques personnelles pour pouvoir accueillir celles de l’autre.

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Laisser cet espace implique donc de rester silencieux, de ne pas chercher à interrompre et d’éviter de submerger ou de prodiguer des conseils en première intention.

En effet, il peut être tentant de vouloir apporter des solutions et ce d’autant plus que la situation évoquée génère à son tour des émotions et des représentations pénibles chez nous (sentiments d’injustice, d’impuissance…). De même, cela peut nous rappeler des événements de notre propre vécu et il peut être tentant d’avoir recours à l’expérience personnelle.

Toutefois, ces conseils ne sont pas toujours sollicités. Ils ne s’appliquent pas nécessairement à la situation et ils risquent alors de susciter un sentiment de décalage avec ce qui est vécu. Ils peuvent aussi ne pas être compris ou ne pas prendre en compte la situation dans sa globalité.

Le proche peut aussi y avoir déjà pensé, lui faisant revivre le sentiment de se trouver dans une impasse, générant de l’opposition. Enfin il se peut simplement, dans sa temporalité, qu’il ait un besoin premier de soutien émotionnel avant d’envisager d’éventuelles solutions.

En lien avec le point précédent, il est préférable d’éviter ou de manier avec précaution les remarques et conseils génériques, non spécifiques, qui plus est sous une forme impérative ("tu devrais te détendre", "prends de la distance", "tu n’as qu’à…", "il y a pire", "ressaisis-toi !"). Outre le fait qu’ils améliorent (très) rarement la situation, ils peuvent donner le sentiment à la personne qu’elle exagère, qu’elle n’est pas capable de gérer ou qu’elle est faible.

Il est important de valider ce qui est vécu. La simple écoute, la présence, le non-jugement sont déjà réconfortants. Voici quelques alternatives possibles :

"Est-ce qu’il y a quelque chose que je puisse faire pour t’aider ?"

"De quoi as-tu besoin dans cette situation ?".

D’autre part, l’écoute implique l’acceptation de la personne, telle qu’elle est, au moment où elle nous sollicite et dans ce qu’elle amène. Elle requiert donc de suspendre son jugement. Ce n’est pas toujours une mince affaire…

Nous évoquions ci-avant la contre-attitude. À tout instant, nous catégorisons l’observable (le cerveau est fait ainsi !). Nous l’évaluons et le rapportons à notre propre référentiel. Cela nous permet de nous situer et de nous adapter à tout moment. Il y a alors toutes les chances que notre rapport à ce qui est dit ne soit pas neutre. L’idée ici est de tendre vers une posture d’accueil et d’accepter de se laisser surprendre, toucher, parfois même déranger (cf. travaux d’Husserl et le courant de la phénoménologie).

On parle également d’écoute active. Par la reformulation et les reflets empathiques, elle permet de s’assurer de sa bonne compréhension de ce que la personne traverse, pense et ressent de façon sous-jacente, et de le lui témoigner. Ces interventions consistent à communiquer à sa façon, avec ses mots, ce qui est compris et perçu chez l’autre. Il peut même s’agir de répéter presque mot pour mot les éléments essentiels de ce que la personne livre.

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N’hésitez pas à poser des questions : cela permet de mieux comprendre et de communiquer sa considération et son intérêt.

Cette attitude active l’aide également à reconnaître, à clarifier, à explorer les ressentis sous-jacents pour éventuellement se ressaisir de ce qu’elle vit dans une nouvelle perspective.

Savoir respecter ses limites personnelles

Il se peut que vous n’ayez pas la disponibilité vous permettant de prodiguer du soutien ou de l’aide à un moment donné. Il se peut que cette indisponibilité soit temporelle ou psychique (fatigue, esprit préoccupé, sujet qui vous est sensible ou simple besoin de prendre soin de vous !). Cela est tout à fait entendable et respectable. Finalement, le communiquer en toute transparence reste le meilleur moyen d’éviter les quiproquos, quitte à différer le besoin.

Gardez à l’esprit que si une aide instrumentale est parfois la bienvenue, faire à la place du proche, prendre à sa charge ou surprotéger n’est pas forcément aidant à moyen et long terme.

Cela peut générer une diminution de l’autonomie ou entretenir une croyance en son incapacité à trouver des solutions chez le proche, d’une part, et entraîner de la surcharge et de l’épuisement chez soi-même, d’autre part.

Il se peut que les difficultés psychologiques éprouvées requièrent plus que votre soutien émotionnel, aussi précieux soit-il. Si cela s’avère nécessaire et que ce n’est pas déjà le cas, n’hésitez pas à suggérer à votre proche de consulter un professionnel du soin et de l’écoute.

N’hésitez pas à solliciter vous-même une aide professionnelle. Votre santé mentale est aussi importante que celle de vos proches.

Quelques ressources pour aller plus loin

  • Carl Rogers, psychologue, psychothérapeute et auteur considéré comme l’un des fondateurs de l’approche humaniste en psychologie, s’est beaucoup intéressé à la relation d’aide. Dans son approche centrée sur la personne (ACP), il développe notamment les attitudes fondamentales de la relation d’aide.
  • Lecomte, Tania. (2022). Côte à côte : Comment aider un ami ou un proche qui souffre d'un trouble mental grave. Cet ouvrage, d’une soixantaine de pages à peine, aborde de façon vulgarisée comment aider un proche ayant un trouble mental grave. Il foisonne d’informations riches et de conseils concrets.
Elie Sachot

 

Elie SACHOT

Psychologue clinicien au sein de notre programme d’assistance aux employés Stimulus Care Services