Guerre en Ukraine : Comment faire face aux émotions ?

Interview de Jacqueline PETKOVIC, psychologue clinicienne victimologue* et Sarah CHALANDON-GOLDMAN, psychologue du travail

Nous avons vu lors d’un précédent article les impacts de la guerre en Ukraine sur le plan psychologique. Ce second volet est dédié aux outils et aux bonnes pratiques pour apaiser ses émotions et celles de son entourage.

Comment apaiser les émotions, d’un collègue ou d’un proche, suscitées par cette guerre ?

D’abord, il faut amener la personne à sentir votre présence.

D’un point de vue relationnel, le soutien social est un levier fondamental pour contrer le stress.

Et d’un point de vue hormonal aussi : l’ocytocine, hormone de l’amour produite lors des expériences de plaisir et de sécurité affective est antagoniste aux hormones de stress que sont l’adrénaline et le cortisol.

Ensuite, il faut aider l’autre à mettre des mots sur son ressenti.

Intuitivement, nous pouvons imaginer que parler de tout, sauf de que ce qui fait mal, apaise celui qui souffre. Mais cela peut en fait intensifier l’émotion de l’autre, puisqu’elle n’a pas de place d’expression. Aussi, questionner l’autre, simplement, sur ce qu’il pense et ressent, est en fait une stratégie bénéfique, à condition de respecter les limites de l’autre, bien sûr.

Soutien

Enfin, il faut l’encourager à l’action.

Enfin, proposer à l’autre d’être dans l’action à vos côtés, qu’il s’agisse d’action liée directement à la crise ou non, est favorable à son bien-être. L’action aidera, comme évoqué précédemment, à réguler les ruminations, augmenter le plaisir, voire, selon les activités, augmenter le sentiment de contrôle et d’utilité.

Et comment faire pour s’apaiser soi-même ?

Les principes évoqués s’agissant de l’autre fonctionnent aussi s’agissant de soi : ne pas rester seul, oser dire simplement ce que l’on pense et ressent, et être dans l’action, à la recherche du sentiment d’utilité et/ou de plaisir.

Au-delà de cela, protéger ses routines quotidiennes nous semblent essentiel. En situation de crise, nous avons tendance à négliger nos routines, que nous faisons quotidiennement sans nous en rendre compte. Et pourtant, ces routines, en cadrant nos journées, contribuent fortement à nous protéger de nos émotions négatives. Prenez le temps de les identifier et faites l’effort de les conserver !

Vous pouvez aussi décider, quand votre moral est plus maussade, d’enrichir vos journées de plaisir(s) supplémentaire(s) : organiser un diner entre amis, se faire couler un bain chaud, aller au cinéma, …

S’entrainer à de nouvelles pratiques peut aussi s’avérer utile dans la mesure où certaines activités peuvent participer à extérioriser nos tensions internes.

Plein conscience

La pleine conscience, par la pratique de la méditation et l’intérêt porté volontairement à ses activités quotidiennes (manger, se laver, …), invite à accueillir ses pensées, ses émotions, sans les nier ou chercher à les réprimer. Une pratique régulière apaise l’angoisse et réduit le risque d’être submergé émotionnellement.

Les activités expressives et artistiques (danse, chant, musique, …) et l’art thérapie (dessin, collage, coloriage, …) sont des outils puissants dans la mesure où ils offrent un terrain d’expression voire un exutoire à des émotions parfois difficiles à exprimer.

Enfin, pour vous mettre en action, nous vous invitons à vous concentrer sur votre zone d’influence.

Nous abritons en nous deux zones : une zone d’influence et une zone de préoccupation. A la différence de cette dernière, la zone d’influence regroupe les situations et domaines sur lesquels vous avez des marges de manœuvre. Vous pouvez vous interroger sur votre zone d’influence en rapport avec cette crise : est-elle en lien avec la participation à des initiatives collectives ou sur le soutien d’un proche particulièrement affecté ?

De manière générale, vous consacrer à votre famille, votre entourage, votre travail, vos activités augmentera votre sentiment d’utilité, d’efficacité et de bien-être.

Dans un autre registre, il est important d’évoquer l’utilisation des médias. Sans remettre en cause leur utilité, il s’agirait sans doute, dans les périodes de crise qui nous impactent émotionnellement, de questionner leur utilisation. Il est recommandé aux personnes fortement impactées émotionnellement de restreindre leur utilisation au maximum : deux fois par jour, quelques instants, semble pertinent d’un point de vue psychique.

Jacqueline_Petkovic

Jacqueline PETKOVIC

Psychologue clinicienne Victimologue*

Sarah Chalandon

Sarah CHALANDON GOLDMAN

Psychologue du travail

*Psychologue clinicienne et victimologue, Jacqueline est principalement intervenue en ex-Yougoslavie, plus précisément à l’hôpital militaire de Belgrade. Son travail consistait à accompagner les victimes directes (personnes confrontées directement aux événements de la guerre) et indirectes (personnes indirectement impactées du fait de leur attache émotionnelle au pays et/ou à la population) de la guerre en Ex-Yougoslavie de 1991 aux bombardements de 1999. Chez Stimulus, elle intervient pour nos clients européens au sein de Stimulus Crisis Management dans la prise en charge des collaborateurs victimes ou témoins d’un événement grave.