Loi travail : quoi de neuf pour le télétravail ?

Télétravail

Constatant une pratique informelle de plus en plus répandue et répondant aux attentes fortes des travailleurs qui souhaitent en bénéficier, la loi Travail présentée par Muriel Pénicaud modifie la définition du télétravail et crée les conditions d’un développement généralisé de cette nouvelle façon de travailler. Quels sont les nouveautés juridiques ? Quels sont les impacts pour les télétravailleurs, les managers et les DRH ?

1- La loi Travail facilite le recours au télétravail.

Le télétravail est devenu une réalité, parce qu’il répond à une forte demande sociale, parce que les outils numériques et de nouveaux espaces de travail alternatifs l’ont rendu possible. Le télétravailleur cherche une économie en temps de transport, de l’efficacité et de la concentration, du bien-être, moins de stress et de fatigue et une meilleure conciliation entre sa vie personnelle et son activité professionnelle.

De nouveaux droits pour le télétravailleur…

Le télétravailleur bénéficie des mêmes droits que le salarié exécutant son travail dans les locaux de l’entreprise. En cas d’éligibilité à un poste accessible en télétravail, tout salarié peut demander un passage en télétravail en justifiant qu’il doit faire face à des « contraintes personnelles » (situation familiale, handicap, qualité de vie au travail etc.). C’est donc à l’employeur éventuellement de motiver un refus, en étant vigilant à éviter toute discrimination. La loi crée aussi la possibilité de recourir au télétravail de manière occasionnelle. Même si le télétravail conserve son caractère volontaire et nécessite un commun accord entre l’employeur et le salarié, la formalisation de cet accord sera allégée puisqu’elle pourra être réalisée par tout moyen, par exemple par échange d’e-mails. Il ne sera plus nécessaire de le subordonner nécessairement à la signature d’un avenant au contrat de travail

… dans un cadre social et juridique assoupli 

A défaut d’un accord collectif, le télétravail peut maintenant être déployé dans le cadre d’une simple charte élaborée par l’employeur, après avis du CSE le cas échéant. Il devra tout de même prévoir des clauses obligatoires comme les conditions de passage en télétravail et de réversibilité, les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail, de contrôle du temps de travail et de régulation de la charge de travail ou la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail.

2- Quels impacts pour l’entreprise ?

Déployé de manière sauvage et informelle, il révèle l’impréparation des entreprises dans le management du télétravail. Pourtant, il transforme en profondeur la façon de travailler. Le rôle du manager, car on ne manage pas de la même façon une équipe quand elle est à distance que quand elle est présente. La reconnaissance des efforts, parce que les efforts s’observent et se mesurent plus difficilement que des résultats. L’équilibre de vie, parce que le télétravail brouille les frontières entre la vie pro et la vie perso et que le lieu et les horaires de vie privée peuvent devenir un lieu et des horaires de travail. La cohésion d’équipe, qui devient moins facile quand on a une équipe disséminée. La coopération, quand on a moins d’échanges informels et qu’on ne se rencontre plus de manière fortuite sur un lieu unique. Le plaisir au bureau, quand on risque de se trouver seul dans des locaux vides, sinistres, et impersonnels.

Dans le domaine sensible de la santé au travail, il sera prévu une « présomption d’imputabilité » en cas d’accident survenu sur le lieu du télétravail et pendant les plages horaires du télétravail, permettant au télétravailleur de bénéficier de la législation sur les accidents du travail. Si cela devrait lever des ambiguïtés de qualification d’accident du travail, on peut s’attendre au fait que faciliter le télétravail, notamment de manière occasionnelle, risque aussi d’accroître un peu la sinistralité, avec un risque de responsabilité pour l’employeur au titre de son obligation de sécurité de résultat.

3- Face à la généralisation du télétravail, comment bien télétravailler ?

Il ne faut pas négliger les conséquences de la généralisation du télétravail (plus de 50% des salariés). On ne gère pas de la même façon une pratique exceptionnelle de 15% des « early adopters », ces salariés les plus volontaires, les plus capables et les plus autonomes comme une pratique qui concerne la majorité des salariés peut-être moins confortables avec l’exercice. L’enjeu est bien d’étendre ce nouveau droit tout en conciliant bien-être et efficacité au travail.

A la condition que le télétravail soit intelligemment déployé, il y a des opportunités de progrès managériaux importants. Le manager peut passer d’un rôle contrôlant à un rôle de soutien à l’autonomie qui encourage les initiatives et les idées. Pour reconnaitre les efforts, on pourra créer de nouveaux espaces de dialogue professionnel pour laisser les personnes raconter ce qu’elles font et les difficultés auxquelles elles se heurtent . Des pratiques saines de déconnexion nécessiteront de nouveaux apprentissages, des règles partagées et l’exemplarité des managers. Les locaux devront être réaménagés pour faciliter le lien social, la coopération, ou la convivialité. Puisque les gens ont besoin les uns des autres pour bien faire leur travail, il faudra bien leur offrir de bonnes raisons de passer au bureau

Le télétravail à grande échelle sera facteur de bien-être si et seulement si les entreprises vont au bout de la logique, si elles acceptent qu’il s’agit de bien plus que d’un changement de lieu de travail. A cette condition, le télétravail pourra apporter des pratiques managériales plus matures, des organisations plus simples et moins cloisonnées, des moments de convivialité plus fréquents, des locaux plus chaleureux, et pour ceux qui le souhaitent, des domaines de vie plus intégrés. Les conditions de la généralisation du télétravail étant réunies, nous avons collectivement un challenge à réussir : faire du télétravail un pilier du bien-être et de l’efficacité au travail.

 

David Mahé