Régulation des conflits entre salariés : les critères d’échec de la médiation

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Pratiques plébiscitées pour rétablir les relations conflictuelles en entreprise, les démarches de médiation ne sont pas toujours couronnées de succès. Quels sont les critères d’échec de la médiation ? Eclairages de Karen Pariente et Christophe Rey, psychologues, médiateurs et experts au sein du cabinet de conseil RH Stimulus.

 

Quelques notions

La médiation consiste dans l’intervention d’un tiers visant à réguler un différend interpersonnel. Le médiateur ne recherche pas à forcer la conciliation des parties prenantes, mais à faire apparaitre une problématique et des solutions communes afin que les parties en présence puissent de nouveau interagir, voire sortir du conflit. La posture du médiateur est donc :

  • impartiale envers les protagonistes ;
  • indépendante de l’employeur ;
  • neutre quant à la situation-problème.

La médiation se déroule généralement en trois étapes :

  1. La phase préliminaire : elle est réalisée au travers d’entretiens individuels avec le commanditaire, les parties prenantes. Elle comporte l’analyse de documents pertinents (emails échangés, etc.). Cette phase permet de recueillir de premiers éléments, d’informer les parties prenantes sur la nature de la médiation et de vérifier leur adhésion.
  2. La phase d’exploration : le médiateur donne à chacun l’occasion de relater les faits selon son point de vue et accompagne la réflexion autour des solutions envisagées.
  3. La phase de résolution du problème : les pistes de solutions sont négociées jusqu’à ce que les parties parviennent à un accord satisfaisant et durable.

Tout miser sur une entente des parties prenantes

De nombreux conflits trouvent leur origine dans une organisation du travail mal définie, les personnes régulant ces manques par leurs seuls moyens (absence de rôles clairs, de règles de répartition de la charge de travail ou de bonus, de critères d’évaluation, etc.).

Le cas échéant, on préfèrera à la médiation, dans un premier temps :

  • un rappel des règles et des potentielles sanctions associées (recadrage managérial) ;
  • un travail de (re)définition du cadre de travail que les collaborateurs pourront appliquer.

La médiation ne pourra pas être efficace pour faire évoluer les comportements des personnes si cette cause racine n’est pas traitée. Dans cette démarche, la question de l’entente/affinité n’est donc ni une cause, ni une piste pour la résolution du conflit.

Tenter de résoudre un conflit trop complexe… ou pas assez

Dans d’autres cas, le conflit peut impliquer d’autres personnes (parties prenantes dans l’historique du conflit, tiers pouvant apaiser ou attiser les tensions, étant « allié » ou non à l’une des parties, etc.), ou des enjeux opérationnels ou politiques de plus haut niveau (obtention de poste, élections syndicales, etc.). Lorsque le conflit atteint un niveau de complexité qui dépasse la seule relation des acteurs initialement identifiés, la médiation est contre-indiquée. Les solutions qu’elle peut faire émerger doivent demeurer dans la sphère d’autonomie des personnes, sans quoi elles ne seront pas appliquées ou avec un succès tout relatif.

A l’opposé, pour des salariés sans mission commune, la médiation risque d’échouer car ils n’auront pas d’intérêt dans la résolution du conflit. La médiation est également contre-indiquée dans le cas de collaborateurs pour qui l’entreprise a trouvé des solutions qui leur permettent de ne plus interagir (en confiant les tâches en commun à un autre salarié, en désignant une tierce personne transmettant les informations, etc.). En effet, cette autorisation de ne pas interagir, plus ou moins explicite, entre en contradiction directe avec le principe de la médiation.

Parier sur l’implication de personnes qui ne sont pas prêtes à s’engager

En dernier lieu, les personnes impliquées peuvent ne pas percevoir leur intérêt dans la résolution du conflit ou juger que l’objectif est inatteignable, par exemple :

  • mauvaise compréhension du processus de médiation et de ses objectifs ;
  • rigidité des points de vue qui empêche les acteurs de cheminer vers des pistes de solutions ;
  • épuisement après avoir tenté de nombreuses solutions pour apaiser le conflit ;
  • sentiment de menace, comme la peur de perdre son emploi si le conflit n’est pas résolu ;
  • exacerbation du conflit qui a dépassé le cadre d’une régulation au sein de l’entreprise (dépôt de plainte).

La médiation reposant sur l’engagement des parties dans la réflexion puis la mise en œuvre de solutions en commun, elle sera contre-indiquée en l’absence de partenaires impliqués.

En conclusion

La maîtrise des étapes de cadrage et de clôture de la médiation est primordiale pour sa réussite.

Le cadrage initial permettra de s’assurer de l’adhésion des personnes à la démarche et de la compatibilité de la situation avec le processus de médiation (perception des avantages, engagement dans la démarche, non interférence avec des problématiques opérationnelles ou des enjeux politiques ou relationnels de plus grande envergure).

Le suivi post médiation permettra de s’assurer de la faisabilité des actions à long terme (dans le cas où des éléments du contexte de travail évoluent), ainsi que de leur bonne application pour permettre aux personnes de faire évoluer leur comportement et de maintenir leurs efforts dans le temps.

Remerciements
Karen Pariente, Psychologue clinicienne, Médiatrice certifiée de l’Institut Français de médiation, experte au sein du cabinet indépendant Stimulus
Christophe Rey, Psychologue du travail, expert au sein du cabinet indépendant Stimulus

 

Emma Pitzalis, Consultante

Retrouvez l’article sur le site des Éditions Tissot