Pour une approche pragmatique de la prévention de la santé mentale au travail

Entretien avec Gabrielle BASQUINE, Directrice du Conseil

La prévention de la santé mentale au travail est au cœur
de l’expertise de Stimulus. Comment a-t-elle évolué en 35 ans ?

Lorsque l’on écoute le Dr Patrick Légeron, fondateur de Stimulus, décrire la place de la santé mentale au travail il y a 35 ans, on peut voir qu’il y avait tout à faire : éveiller les consciences, sensibiliser les acteurs clés, produire des indicateurs pour évaluer la prévalence du stress en entreprise, mettre en place des dispositifs de prévention.

Ce travail d’évangélisation a porté ses fruits : la santé mentale au travail a trouvé sa place dans la législation, et rares sont les entreprises qui n’ont jamais rien fait sur le sujet.

Et pourtant, les troubles de santé mentale restent un des facteurs les plus fréquents d’un absentéisme croissant, sans parler de la démotivation et du désengagement, dont les impacts humains comme financiers sont plus difficiles à évaluer.

Nous en savons plus et faisons plus en matière de prévention de la santé mentale au travail qu’il y a 35 ans, et pourtant la situation, ne semble pas s’améliorer. Comment l’explique-t-on ?

D’un point de vue macro, il y a l’impact croissant des enjeux concurrentiels et du caractère volatile, incertain, complexe et ambigu (VUCA) des sphères socio-économiques. A l’opposé du continuum, d’un point de vue micro, on entend parler d’une évolution des besoins et des attentes individuelles. C’est entre ces deux extrêmes que se sont concentrés les efforts de prévention, visant l’amélioration des conditions de travail et l’atténuation de leurs impacts sur le collectif et les individus.

C’est ici que l’on peut parfois observer un écart entre ce que les entreprises savent du sujet, et ce qu’elles peuvent concrètement faire pour l’adresser de manière efficace et pérenne – dans un contexte socio-économique qui est ce qu’il est, pour répondre à des besoins individuels qui sont ce qu’ils sont. Et malheureusement, lorsque les enjeux du bien-vivre et du bien-travailler ensemble co-existent aux côtés d’autres enjeux de résultats et d’intérêts individuels, ils passent parfois de la catégorie « must have » à la catégorie « nice to have ».

Vous parlez d’une approche pragmatique de la prévention, qu’entendez-vous par-là ?

L’approche scientifique, « evidence-based », est dans l’ADN de Stimulus. Mais pour être efficace, la prévention a également besoin d’être conçue et déployée de manière pragmatique, de répondre à des attentes réalistes et d’offrir une contribution utile au plus grand nombre, en contraste aux idées en vogue, aux solutions en « taille unique », qui se veulent être simples, rapides et efficaces.

Tout d’abord, il faut savoir tirer parti de ce que l’on sait déjà :

Un diagnostic global n’est pas la seule porte d’entrée dans une démarche de prévention.

Si l’entreprise sait déjà ce qui ne va pas et/ou pour qui ça ne va pas, le fait de chercher à l’objectiver peut-être perçu comme un manque de prise en compte des indicateurs RH ou un manque d’écoute du terrain. Les indicateurs rassurent autant qu’ils effraient. Une entrée par la mise en place d’une nouvelle politique, d’un changement de process, par de la pédagogie est préférable dans certains cas. L’essentiel est d’être au clair sur les raisons qui motivent ce choix et de s’assurer qu’il fait consensus.

 

Une fois les constats partagés, il est important de se pencher sur ce que dit la recherche, qui regorge d’informations sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et dans quelles conditions.

Quelle preuve avons-nous que le télétravail nuit à la cohésion et à la coopération ? Quels sont les dispositifs qui permettent de lutter efficacement contre l’épuisement professionnel ? Quels sont les leviers pour agir sur la régulation de la charge de travail ?

Il faut se montrer prudent face aux contenus des revues RH et management. Ils présentent souvent des constats exacts mais, lorsqu’ils ne s’appuient pas sur des travaux de recherche, ils peuvent être moins fiables et exhaustifs dans leur interprétation et recommandations…

Il faut également accepter de se donner le temps. On s’engage sur un temps long, pour des résultats à moyen et long-terme. Les promesses de cure médicale miracle sont rapidement taxées de charlatanisme, pourquoi en serait-il différemment avec la santé mentale ? Le temps de réfléchir aux raisons pour lesquelles le sujet est important pour l’entreprise, le temps de définir les résultats souhaités, d’identifier les contraintes qu’il va falloir lever et celles avec lesquelles il faudra composer. La notion de temporalité est essentielle.

Enfin, il faut définir une stratégie au niveau global, et se donner les moyens de la déployer au niveau local. Adresser des problèmes ancrés nécessite souvent un changement de culture. Mieux veut avoir une ambition raisonnable, des attentes de résultats réalistes et des moyens permettant de les atteindre plutôt qu’une ambition séduisante qui n’est pas incarnée au quotidien sur le terrain.

Et pour terminer, 3 mots pour définir la prévention chez Stimulus

➡️ Pragmastisme

➡️ Adaptabilité

➡️ Evidence-based

Vous souhaitez être accompagné dans votre démarche de

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