Prévenir et adresser les violences psychologiques en entreprise : de la peur au courage

« Je vis un enfer, c’est du harcèlement… » Etonnamment, ces mots peuvent être à la fois banalisés dans le langage quotidien et, à l’inverse, déclencheurs d’un vent de panique, pouvant pousser chacun à agir sous l’influence de la peur.

Peur des victimes, de ne pas être entendues ou des conséquences lorsqu’elles le sont ; peur des personnes accusées, qui peut les pousser à exercer de la pression sur les présumées victimes ; et parfois peur de la Direction ayant pour conséquence une minimisation ou une surréaction face à la situation. Mais la peur n’évite pas le danger, et concernant les violences psychologiques au travail, celle-ci a souvent l’effet inverse.

Factualiser et cadrer : un bon moyen de garder la tête froide

 

Pour ne pas se laisser gagner par l’émotion, il est important de savoir de quoi l’on parle et comment en parler le cas échéant. Il s’agit donc de clarifier ce que l’on entend par harcèlement moral, harcèlement sexuel, discrimination, afin que chacun·e partage la même compréhension de ces termes.

Une fois le vocabulaire posé, il faut définir et communiquer une procédure qui permette de recueillir et de traiter les signalements avec objectivité, impartialité et confidentialité.

En s’outillant de la sorte, une entreprise se donne les moyens d’agir, mais cela suffit-il à créer les conditions nécessaires pour que les auteurs mettent fin à leurs agissements et que les victimes se manifestent dans le cas contraire ?

La réponse est non, car, in fine, la charge du signalement repose sur les individus, qu'ils soient victimes ou témoins. Et quel courage il faut, pour dénoncer des agissements dans un système qui leur a permis de se manifester, et souvent de perdurer, sans conséquences apparentes !

Une étude co-réalisée par l’Organisation Internationale du Travail[1] publiée en 2022 indique que

près de 23% des personnes interrogées déclarent avoir subi de la violence ou du harcèlement au travail, mais que seule la moitié de victimes s’en étaient ouvertes à un tiers.

Parmi les raisons les plus fréquemment utilisées pour expliquer leur silence : « la honte, le sentiment de culpabilité, un manque de confiance dans les institutions ou parce que ce type de comportements inacceptables est considéré comme normal »

« Pot de terre contre pot de fer » : Comment font les entreprises qui luttent efficacement contre les violences au travail ?

Elles osent non seulement afficher mais aussi appliquer une politique de tolérance-zéro : Avez-vous déjà entendu parler de l’humour « un peu lourd » ou « parfois limite » de quelqu’un, immédiatement dédouané d’un « …mais ce n’est pas méchant » ?  Ou encore d’un manager décrit comme étant « de la vieille école… mais efficace » ? Jusqu’où faire preuve de tolérance ? Lorsqu’il sera demandé aux moins performants de porter un bonnet d’âne et que les retardataires seront mis au coin ?

Certes, les agissements sont rarement aussi extrêmes, et il semble parfois plus coûteux de réagir face aux signaux faibles, lorsqu’on les perçoit, plutôt que de ne rien faire. Mais cette inaction envoie le message implicite, aux auteurs comme aux victimes, que ce comportement est toléré. Et si c’est toléré, alors pourquoi arrêter ? Ou quand alerter ?

Ainsi, la clé réside dans le triptyque prévention, accompagnement et recadrage.

En parallèle, elles osent renforcer les compétences d’affirmation de soi des salarié·es et s’assurent qu’ils ou elles disposent d’opportunités d’échanges réguliers au sein desquels l’expression des limites de chacun est encouragée : savoir dire non, savoir dire stop, savoir exprimer les conséquences d’un comportement sur soi ou sur les autres, sans avoir peur.

Les entreprises qui luttent efficacement contre les violences psychologiques au travail ont le courage d’exprimer que cela peut arriver, le courage d’instruire les signalements, de s’attaquer aux causes, le courage de mettre en place des process, et si cela ne suffit pas, le courage de prendre des décisions, allant dans le sens, ou non, de la plainte.

1Experiences of violence and harassment at work : A global first survey, Geneva : ILO, 2022